La ville vue par les artistes de la création numérique
La création numérique investit la ville pour en faire le théâtre de ses récits ou la toile de fond de ses œuvres. Réelles ou fictives, magiques ou effrayantes, d’hier, d’aujourd’hui ou du futur, les villes nourrissent l’imaginaire des artistes qui en questionnent ainsi les multiples émanations.

Terrain de jeu
La ville est le décor choisi par de nombreux artistes numériques pour donner vie à leurs créations. La ville, tant réelle que fantasmée, devient ainsi le terrain de jeu de nombreuses explorations urbaines.
Le jeu vidéo Vandals propose à ses joueurs de découvrir les travaux d'artistes iconiques du street art et d’apprendre comment ils ont pu influencer la culture urbaine dans certaines villes du monde comme Paris, New York, Berlin, Tokyo et Sao Paulo.
C’est dans la ville fictive d’Opéra City que se déroule l’enquête au cœur du jeu Labyrinth City, où le joueur déambule dans un dédale de rues avec un crime à résoudre pour éviter que le monde entier ne se transforme en labyrinthe !
Le joueur est également perdu dans un labyrinthe infini dans le jeu en réalité virtuelle SENS VR, adaptation de la bande-dessinée de Marc-Antoine Mathieu, où les seules indications dont il dispose pour guider ses déplacements à travers des villes géantes et des paysages monumentaux sont de gigantesques flèches.
Avec son installation In-Urbe, l’artiste Hugo Arsac propose quant à lui une exploration des labyrinthes souterrains de Paris, avec ses réseaux d’égouts, de lignes de métro, de cryptes et de circuits électriques.
Enfin, les Mystères de Paris, websérie d’animation de Véronique Puybaret et Matthieu Dubois, adaptation du célèbre roman d'Eugène Sue, propose un récit ancré dans le Paris pré-Haussmannien de 1840 et invite ainsi à en découvrir les multiples facettes.
Questionner
Les modèles urbains
La création numérique dénonce également la construction de modèles urbains sources d’inégalités sociales et de déséquilibres sociétaux.
La spécialiste de jeux vidéo Isabelle Arvers dénonce ainsi la réponse inadaptée des autorités locales face à la construction de la ville-monde de la jungle de Calais avec son documentaire machinima Heroic Makers vs Heroic lands, réalisé à partir d’un moteur de jeu vidéo, de photos prises sur place et d’interviews de résidents.
Dans le webdocumentaire hybride Terres Communes, Emmanuel Vigier et Renaud Vercey mettent en lumière le travail d’associations marseillaises qui se battent contre la mort des gens de la rue, paroxysme de l’exclusion de nos sociétés modernes.
L'œuvre de réalité virtuelle The Real Thing dirigée par Benoit Felici et Mathias Chelebourg dépeint le phénomène surprenant à l'œuvre dans certaines villes chinoises : la reproduction, à l'identique ou presque, de monuments historiques de grandes villes européennes. Une manière de révéler les dérives de la mondialisation contemporaine qui s’incarnent dans un urbanisme surréaliste.
Vers de nouveaux imaginaires
La création numérique permet aux artistes de rêver de nouveaux imaginaires urbains.
Dans l’installation Ghost City, l'artiste Hugo Arcier plonge le spectateur dans une relecture du décor du célèbre jeu vidéo GTA V, mais cette fois-ci dans un environnement urbain vide de toute population, qui s’efface à mesure que l’on s’en approche.
Dans l’expérience VR immersive Heterotopia de Tamanoir Immersive Studio et Neon Minuit, le spectateur incarne un duo d’architectes dans la construction d’une ville fantasmée, du premier bâtiment à sa ruine.
L’installation Transfert du collectif u2p050 et Gao Feng traite des connexions virtuelles entre les mondes à travers le nuage de points, où une connectivité rêvée relie le cœur urbain de Pékin aux réseaux souterrains de Paris.
Toile de fond monumentale
La ville est également le support, la toile de fond, qui permet aux créations numériques de prendre corps dans un environnement physique.
Synergies des artistes de Scénocosme est une œuvre d’art numérique interactive, collective et performative qui aborde de manière inédite le mapping vidéo, et dans laquelle les spectateurs co-construisent une grande fresque originale dans l’environnement urbain.
Avec l’installation monumentale Kontakt qui se déploie dans l’espace public, l’artiste Nicolas Paolozzi propose une architecture vivante combinant son et lumière. Les spectateurs sont immergés dans différentes atmosphères, tantôt douces, parfois plus sombres, marquant les humeurs très variables de cette surprenante structure.
L'œuvre en réalité augmentée Faune, d’Adrien M et Claire B invite le spectateur à découvrir, via une série de 10 affiches de grand format, une vie animale cachée sur les murs de la ville - une porte ouverte vers la nature depuis l’environnement urbain dans lequel nous évoluons.